La tension monte dans le Golfe qui devient l’épicentre économique et stratégique du monde, car 80% des hydrocarbures y transitent et cela engage la première puissance du monde. Une conflagration n’épargnera aucun pays, et chaque jour apporte son lot de déclarations, de mesures, qui alimentent la tension. La guerre aura-t-elle lieu entre les États-Unis et le trublion iranien ? Peu probable à mon avis. Non pas que la sagesse l’emportera, mais parce que la guerre a changé de nature. On fait la guerre, ou on la faisait, pour conquérir des territoires, imposer ses vues par la force et la violence. Aujourd’hui, l’espace n’est plus source de richesse, et on peut imposer ses vues sans recourir à la force brute. La source de la richesse est le savoir et la technologie, et l’arme par laquelle on peut imposer ses vues est l’économie.
C’est bien sûr l’éthos dominant depuis la deuxième guerre où deux grands vaincus, sur le plan militaire, le Japon et l’Allemagne, sont devenus deux grands vainqueurs sur le plan économique. Les Etats-Unis ont triomphé de l’URSS par l’arme des circuits intégrés, des jeans, les tubes de musique et le discours sur le droit de l’homme, beaucoup plus que par les Pershing.
La recette n’a pas pris ailleurs, et on faisait la guerre comme du temps de Gengis Khan. On pille et on tue. D’autres, à défaut de s’inscrire dans l’ère de la guerre économique, ont adopté une nouvelle forme de guerre : la course aux armements, comme pour l’Inde et le Pakistan. On se saigne à blanc pour acquérir des armes sophistiquées aux détriments des besoins vitaux, mais on s’interdit de tirer une balle. On peut même, sur les frontières, s’insulter dans ses scènes hystériques qui ont l’avantage d’éviter la confrontation. C’était le vieil adage romain : celui qui veut la paix, prépare la guerre.
Or, les experts internationaux nous alertent. La phase d’apaisement conséquente à la chute du mur de Berlin est derrière nous. Depuis 2008, des foyers de tension sont apparus, la tension a augmenté là où le feu couvait. En Géorgie, en Ukraine, sans parler du Moyen-Orient. On assiste aussi à une course aux armements partout dans le monde. L’idéologie, autant que l’eau, deviennent des causes de tensions. L’ère des idéologies n’est pas révolue. Mais la source fondamentale, qui a été à l’origine d’aventures désastreuses, est la bêtise humaine qui, selon la fameuse expression d’Einstein, n’a pas de limites. Un coup de tête. Une mauvaise appréciation. Un incident. Ceux qui ont lancé des chars sur des voisins, avaient réfléchi rationnellement, dans la perspective d’en découdre au plus vite. Mais ils se sont enlisés depuis. Ils n’avaient pas pris en compte un élément inhérent à la guerre, la logique de guerre est qu’elle n’a pas de logique.
Moralité : si on veut faire la guerre, il faut s’équiper des nouvelles armes, le savoir et l’économie. On peut augmenter la richesse et imposer ses vues à ses adversaires par ces deux armes. Le mot « ennemi » n’existe pas dans la nouvelle guerre. Et il n’est ni juré, ni héréditaire. L’adversaire peut devenir partenaire, et le partenaire adversaire, selon le moment.
Hélas, il y a toujours une résilience, et la guerre, vieux jeu, continue. Elle devient plus dangereuse, car elle est diffuse, avec des milices, des groupes, des individus. Du temps des guerres des nations, il y avait quelques règles « d’éthique »: déclaration de guerre, cessez-le-feu, armistice… Comment est-ce possible de se conformer à des règles avec des bandes armées ou des terroristes ?
In fine, une nation a besoin d’avoir deux armées, celle des ingénieurs, des informaticiens, des créateurs de richesse, puis celle des gradés et des conscrits, qui scrutent l’horizon avec leurs jumelles ou sur leur radar, montent la garde, en attendant que la première l’emporte sur la deuxième.
J’ai oublié de dire l’essentiel : le mois d’août chauffe les têtes, comme lors de l’assassinat de l’archiduc Austro-hongrois à Sarajevo un août 1914, ou quand Hitler a lancé ses chars sur la Pologne un août 1939, ou quand Saddam a occupé le Koweït le 2 août 1990.
Prions que le soleil d’août ne chauffe que les corps. Et bonnes vacances.
Par Hassan Aourid, conseiller scientifique de Zamane
Correction, l attentat de Sarajevo fut le 28 juin 1914, pas en aout.
Une très bonne analyse qui appelle la question suivante:
Puisque la guerre se prépare en développant aussi l’armée du savoir et des nouvelles technologies,comment y parvenir avec l’hémorragie des cerveaux dont environ 600 ingénieurs qui quittent leur payas pour s’installer en Europe et en Amérique,?