Vous avez écrit des livres en darija. Pensez-vous que son enseignement à l’école est possible ?
L’enseignement en langue darija ne posera aucun problème. Comment croyez-vous que les langues dans le monde sont entrées dans un cadre officiel ? Je rappelle que le français, l’allemand, l’italien et bien d’autres langues étaient, à l’origine, des langages dits populaires. Il y a 200 ans, le russe, par exemple, n’était utilisé que par le peuple, tandis que l’élite s’exprimait en français. Je considère que l’utilisation des langues, à l’origine populaires, est une évolution naturelle des sociétés humaines. Ma nièce de huit ans n’a rencontré aucun problème à la lecture d’un recueil de contes que j’ai traduit en darija. Les détracteurs veulent nous faire croire qu’un enseignement scientifique en marocain n’est pas possible. Tout ça n’est que démagogie.
Quelle place donneriez-vous alors à l’arabe dit classique «Fossha» ?
Je ne considère pas le débat linguistique du moment comme une confrontation entre l’arabe classique et l’arabe dialectal. Les deux doivent devenir complémentaires. Il est inutile de présenter des étiquettes idéologiques à l’évocation de cette question.
Le problème dans notre pays est que nos dialogues sont motivés par la passion et non la raison. Je suis de ceux qui maîtrisent parfaitement l’arabe classique en ma qualité de traducteur, et je considère qu’elle est essentielle à l’enrichissement de la darija. Je condamne ceux qui l’exploitent pour afficher leur idéologie panarabiste.
Quel avenir voyez-vous se dessiner derrière ce débat linguistique ?
Ma préoccupation première est que le Maroc puisse développer une vraie richesse culturelle. Pour l’instant, ce n’est pas le cas. La langue marocaine serait un formidable outil pour y parvenir. Lorsque je pense qu’un petit pays comme la Finlande est le seul à utiliser le finnois et que son PIB est parmi les plus élevés au monde, pour moi, c’est la preuve que n’importe quel pays qui assume son identité, devient plus confiant en ses capacités.
Au Maroc, si ce débat existe, c’est qu’il y a réellement un problème. Toute une génération est en train d’être sacrifiée lorsque les chiffres prouvent que 120 000 élèves ont quitté l’école entre 2005 et 2012. Nous devons absolument nous approprier notre identité. La langue marocaine est codifiable. Elle est notre identité. J’ai rédigé différents ouvrages en darija qui utilisent chacun un registre de langage différent. Qu’il soit soutenu, courant ou médian, le marocain a la capacité d’être assimilé par tous les citoyens de notre pays.
Par la rédaction