Je fais mienne le célèbre vers de Jean de La Fontaine : «Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage», en pensant au Sahara. L’affaire du Sahara est dans un tournant. Les discours sécessionnistes ne font plus recette dans le monde. On en voit les facettes cachées, y compris la dislocation, pas que de la texture nationale mais régionale.
Regardons un peu autour, en Libye, en Ethiopie, en Irak. Le monde, et l’Occident en particulier, connaissent les dangers des entités défaillantes («failed states») et leurs risques sur la sécurité. Il est à l’actif de notre diplomatie d’avoir su décrypter les changements internationaux et d’avoir capitalisé dessus.
Cette nouvelle donne ouvre autant de perspectives que de crainte. Une entité sahraouie détachée du Maroc est une chimère, dangereuse même pour ceux qui parrainent cette saugrenue idée. Mais comment ceux qui se sont bercés de cette illusion peuvent-ils accepter l’évidence ? Ne risquent-ils pas de jouer leur vau-l’eau ?
On a eu un avant-goût par quelques déclarations belliqueuses, et quelques pétards, et quelques manœuvres. Une aventure serait dévastatrice pour toute la région et pour le pourtour méditerranéen, et la quincaillerie n’y ferait rien.
Dans l’histoire des guerres, on sait quand est ce qu’elles commencent, jamais quand elles se terminent, ni comment. Arrive un moment, dans les euphories et les emportements, où la raison est inhibée. Il faut pourtant raison garder. Ne jamais céder au piège de l’aventure, sauf dans la légitime défense.
Le propre de la pédagogie est la répétition. Il ne faut pourtant pas lâcher prise, et garder langue avec ceux qui veulent parler. Il ne faut surtout pas acculer nos enfants dans les camps de Tindouf au désespoir. Ce sont nos enfants. Nous souffrons des conditions inhumaines où ils vivent, n’en déplaise à ce que pourraient rapporter les mauvais génies. La Patrie est toujours clémente et il faut donner à cette main tendue, il y a des décennies, un autre contenu. Pas de prébende, ni de sinécure, mais un cadre pour gagner sa vie, dans la dignité.
Nous devons multiplier les initiatives de dialogue et de coopération, aussi bien en Mauritanie qu’en Tunisie, et faire en sorte que des projets économiques en joint-venture y soient menés. De même qu’il faudrait y multiplier les attaches avec les fleurons de la société civile. C’est dans ces deux pays, directement touchés par le conflit, qu’il y a une propension réaliste et une connaissance intime des tenants et aboutissants du problème.
Il me pèse de le dire, mais le Maghreb est de plus en plus une chimère, du moins comme on en a rêvé. Le constat est là. Je souhaite être dans l’erreur.
Nous sommes à l’heure de choix stratégiques, et dans cette tournure nous devons nous armer d’intelligence et de perspicacité. Le monde est en train de changer, et notre façon de l’appréhender doit changer par voie de conséquence, de même que notre style. Surtout pas de logorrhée, ni d’emportement.
Seule une nation historique peut se permettre de tendre la main, car elle a des racines, et surtout un avenir.
Par Hassan Aourid, conseiller scientifique de Zamane