La vassalité est un système politico-économique, où le vassal est lié au seigneur par un pacte selon lequel ce dernier cède une féodalité (un fief) au vassal qui est tenu de vouer soumission et fidélité au suzerain. Le suzerain donne à son vassal un fief qui lui permettra de couvrir ses dépenses. Il doit le protéger et faire régner la justice. Pour mériter son fief, le vassal doit fournir une aide militaire ou financière au seigneur. Le seigneur peut lui demander conseil.
Il s’agit d’un système qui, dit-on, était en vigueur au Moyen Âge. Mais, après la révolution française et par les décrets d’août 1789 (nommés par la suite décret du 4 août-3 novembre 1789 date de son entrée en vigueur), l’Assemblée nationale française a aboli les privilèges féodaux. Elle déclare détruire entièrement le régime féodal. L’humanité est entrée, affirme-t-on, dans l’ère de la liberté.
On échafauda des systèmes sur les libertés individuelles, sur les droits humains. La philosophie s’est penchée sur l’essence de l’homme et l’essence de la liberté. À ce niveau, des esprits éclairés comme Nietzsche avaient tôt compris l’hypocrisie de ce système langagier qui ne servait que les maîtres, et que le monde n’avait pas tellement changé avec ce qu’on a appelé la modernité.
Ce fut d’abord l’ère des conquêtes et des colonisations. Confrontés à d’autres cultures et d’autres réalités, les systèmes qui se disaient débarrassés des inégalités et des servitudes du passé n’ont pu résister. Mais les maîtres de la pensée coloniale ont déployé un effort monumental pour tirer une ligne de démarcation entre l’homme libre (le blanc) et l’Autre, celui qui n’a pas encore accédé à la sphère qui lui permet d’aspirer à la liberté annoncée par la révolution française. Mais, à partir de l’ère qu’on a voulu nommer celle des indépendances, on assista au grand retour du système féodal moyenâgeux avec des subtilités modernes. On y usa de force militaire, mais surtout de force économique.
Le meilleur exemple qui démontre la relation de vassalité dans notre époque est bien celui de l’Europe et des États-Unis. Depuis la deuxième guerre mondiale, les pays européens se comportent comme si l’oncle Sam leur avait offert le fief où ils vivent aujourd’hui. Les ayant libérés, selon une idée bien ancrée à force de matraquage médiatique, ils lui vouent à ce jour soumission et reconnaissance. Il n’a pas besoin de leur demander conseil ou de lui venir en aide ; quand il s’en va en guerre, instinctivement ils le suivent.
C’est arrivé en Irak, en Afghanistan, en Ukraine et aujourd’hui en Palestine. Celui qui l’a bien exprimé est le Président ukrainien lors de son passage sur France 2, le mardi 10 octobre 2023. Il était on ne plus limpide : «Le destin de l’Ukraine dépend de l’unité du reste du monde. L’unité mondiale dépend beaucoup de l’unité des États-Unis». Dans l’ordre des choses, il faut d’abord défendre l’unité des États-Unis avant de défendre son propre pays.
Mais la guerre est le phénomène spectaculaire où on croit tout voir car il s’invite sur nos écrans et sollicite nos réactions immédiates. Contrairement à la guerre, la vassalité sur le plan économique ne se voit pas.
L‘avocat français d’origine iranienne, Amir-Aslani, l’explique en ces termes dans un entretien: «Pendant la période de l’accord nucléaire avec l’Iran, j’ai eu à intervenir pour la plupart du groupe du CAC 40. Mais, dès l’instant que les USA se sont retirés en 2018 de l’accord, dans les 24h, l’ensemble des clients de mon cabinet, présents sur le marché iranien, m’ont demandé à ce que leurs opérations s’arrêtent et que les sociétés créées soient liquidées et qu’il soit mis un terme à leurs activités. Alors que tous ces groups étaient européens et qu‘ils pouvaient poursuivre leurs activités dans la légalité ; mais dans la réalité, la crainte des sanctions américaines et la crainte de la puissance américaine ont fait que la raison du quotidien l’a remporté sur le droit».
Nous n’avons pas besoin de dire plus quant à la politique.
Par Moulim El Aroussi, conseiller scientifique de Zamane