Le nouveau visage de la mondialisation s’incarne désormais dans la migration. Elle est aussi bien l’expression de l’effondrement des frontières que des dysfonctionnements de la planète : mauvaise répartition des richesses, changement climatique, mauvaise gouvernance, quête de liberté et de reconnaissance. La mondialisation n’était conçue que pour ceux qui avaient patte blanche, que le marché de l’emploi appelait, en vidant même les pays pauvres de leurs éminences grises.
Fini tout cela. Le nouveau visage est autre. On en a un avant-goût, sur les rives de la mer Egée, aux rivages de Lampedusa, au détroit de Gibraltar. La seule manière de concevoir l’émigration était de l’ignorer, en dressant des barrières, et en forgeant des discours xénophobes. Solution de facilité.
L’émigration fait partie encore de l’impensée, et il est à craindre que l’impensable ne puisse se produire, si la migration n’est pas soumise à réflexion, en dehors de deux canaux déformants : le sécuritaire et l’humanitaire. Le premier est réducteur, et le deuxième inopérant.
Il faut penser la migration objectivement, dans le cadre de l’utilitaire. Je laisse de côté les états-Unis, qui demeurent un pays d’émigration, et je me focalise sur l’Europe, qui vit ce que d’aucuns appellent la mélancolie existentielle. Elle ne fait plus d’enfants, a besoin de jouvence, de main d’œuvre, et se cramponne pourtant dans des discours identitaires puritains, qu’animent la peur et l’angoisse. Situation intenable sur le long terme.
La Méditerranée, disent les experts, n’est plus une barrière infranchissable, et la terre promise est l’Europe, et les grandes vagues proviendront de l’Afrique. Il y a deux manières de régler les problèmes, les subir, ou les anticiper. Nous n’y sommes pas encore.
Or le problème est planétaire. On ne peut le régler selon cette forme caricaturale, par celui qui tient les cornes de la vache, et celui qui la traie. Arrivera le moment où celui qui a le mauvais rôle se regimbe…
Un développement intégré, fixation des populations, etc.
On connaît la rengaine. La mer continue toujours de dévorer des malheureux aventuriers, et ceux qui franchissent les barrières ne trouvent pas l’Eden et se radicalisent. On y pare comme on peut, par la xénophobie, et sa variante l’islamophobie. Il ne faut pas prendre le symptôme pour la cause. Cela a un nom.
Le problème est certes complexe. Raison pour s’y pencher, et au plus vite.
Par Hassan Aourid
Conseiller scientifique de Zamane