Tout a été dit sur le tremblement de terre qui a secoué le Haouz et le Dern et endeuillé le Maroc, beaucoup plus par des actes que par des mots : par la dignité des familles affligées, la solidarité des Marocains et l’engagement des autorités publiques de tout acabit. Le reste n’est que subsidiaire. Demeure, après la reconstruction de ce qui a été détruit, la construction d’un Marocain nouveau, par des Marocains, au profit des Marocains et du Maroc. On ne peut hélas éviter de parler du subsidiaire, car il détourne de l’essentiel. Et le subsidiaire, pour une nation endeuillée, est l’état des relations maroco-françaises.
Qu’un État exprime son désir d’apporter son aide, c’est tout à son honneur. Qu’un autre, par l’entremise de ses dirigeants, pour des raisons qui leur sont propres, la refuse ou préfère l’étaler selon les besoins, c’est son droit. Il n’y a pas de quoi en faire un drame, et encore moins une affaire d’état. Les choses auraient pu en rester là, mais hélas, ce ne fut pas le cas. Par une dérive d’une certaine presse parisienne, où primait le refus de l’aide (le subsidiaire) que l’état des sinistrés (l’essentiel). Un esclandre qui n’avait pas lieu d’être, pour paraphraser le président français E. Macron. Mais de quel droit le chef de l’État français s’adresse-t-il aux Marocains, sur un ton solennel, comme si le Maroc était un département outre-mer ? Ne manquait que la Marseillaise, avec des chérubins qui s’égosillent en chœur : «Maréchal nous voilà».
Une dérive intempestive et injustifiable qui n’est pas digne de la France. Le Président français a tort de s’adresser aux Marocains de la manière dont il l’a fait. Si le Maroc a été un Protectorat à un moment donné de son histoire, et si les Marocains ont toujours fait la part des choses entre Lyautey et Paribas, pour reprendre l’expression de Jean Lacouture, sur cette conséquence, ils ne voudront en aucune manière, sous aucune forme, à aucun moment, aliéner leur histoire, leur identité, ou leur souveraineté.
Ils ne l’ont pas fait hier quand ils étaient démunis de tout outil de savoir, et à plus forte raison aujourd’hui. N’oubliez pas que vous avez face à vous les descendants d’Averroès et Ibn Khaldoun, disait Lyautey à ses collaborateurs. Quelle dérive que celle de Macron qui n’est conforme ni au génie de la France, ni à ses meilleurs enfants, ni à l’esprit d’association voulu des visionnaires, entre nos deux nations. Mais, être critique vis-à-vis d’une personne, ou d’un acte, ne justifierait pas l’attaque à sa personne, et à plus forte raison à sa vie privée, réelle ou supposée. Un homme d’Etat, et a fortiori un chef d’État, est jugé sur ses actes et non sa vie privée. Nous n’avons pas de leçons à donner à la France, comme elle n’a pas à nous en donner. La dérive d’une certaine presse chez nous (et chez eux aussi) est déplorable et on ne peut la cautionner. Elle nuit à l’image du Maroc et des Marocains. On ne peut défendre le Maroc, son histoire et son génie, avec des exhalaisons nauséabondes de caniveau. Diffamer n’est pas informer.
Un chef amazigh en Andalousie, à qui on avait rapporté les insultes d’un marchand de vers, avait dit ceci : «Nous, c’est par des actes que nous répliquons». Restons sur l’essentiel : le drame qui a frappé le Maroc et qui a fait resurgir son génie. Il est éprouvé, mais il sortira plus grand. C’est cela l’essentiel.
Par Hassan Aourid, conseiller scientifique de Zamane