Si les relations qui lient intimement le Maroc et la France sont complexes de nos jours, la génèse de cette histoire passionnelle l’est davantage. Entre désirs de conquêtes et manoeuvres politiques, le Maroc a toujours constitué un objectif pour la France.
Voltaire évoque Mequinèz (Meknès et le Maroc) dans Candide, comme Montesquieu présente l’empire chinois : un royaume lointain dans le temps et l’espace. Seuls quelques Francs s’étaient aventurés au Maroc, et du côté du royaume chérifien, on était davantage attentif à la cour espagnole ou celle de l’Angleterre, beaucoup moins à Versailles. Mais 1830 change la donne, lorsque les armées de Bourmont ont débarqué le 5 juillet sur la baie de Sidi Ferruch, non loin d’Alger. Le Maroc deviendra depuis une préoccupation française, pour finir un dessein. Les Anglais avaient spécifié aux Français qu’ils ne pouvaient aller au-delà de Tlemcen. En retour, les Français ne cherchaient à l’époque que la neutralité du sultanat dans leur aventure algérienne.
Repousser l’inévitable
Les oulémas de Tlemcen venaient de prêter allégeance au sultan Moulay Abderrahman, quand de leur côté, les autorités françaises, par l’entremise du diplomate et jeune Comte Charles de Mornay, ont incité le sultan marocain à observer une neutralité et surseoir à cette allégeance. La cérémonie qui rend compte de cette mission a été immortalisée par Eugène Delacroix. La toile représente le sultan Moulay Abderrahman à cheval, à l’ombre du parasol impérial, entouré de sa garde et de ses dignitaires, avec Bab el Mansour, à Meknès comme toile de fond. Le tableau se trouve toujours à Toulouse, au musée des Augustins. L’insurrection de l’émir Abdelkader, l’appui apporté par les Marocains et en filigrane par le sultan qui en a fait son khalifa, ne réjouissaient pas le nouveau gouverneur d’Algérie, le maréchal Bugeaud. En août 1844, les Français ont bombardé Essaouira et Tanger. La confrontation était inévitable dans les faubourgs d’Oujda, non loin de l’oued Issly. Un véritable désastre pour les troupes marocaines qui devaient ramener les autorités makhzéniennes à une approche pragmatique. Les autorités françaises devaient en faire de même, et traiter désormais avec le sultan Moulay Abderrahman.
Par Hassan Aourid
La suite de l’article dans Zamane N°29