L’attachement des Marocains et de tous les Arabes à la cause palestinienne relève de l’évidence. Néanmoins, les liens entre le Maroc et la Palestine apparaissent encore plus étroits lorsqu’on les analyse par le prisme du cinéma.
Au fondement de cette histoire cinématographique croisée, quelques bobines disparues… Tout commence en Jordanie en 1967. Le mouvement révolutionnaire palestinien se dote d’une antenne cinématographique, l’Unité filmique palestinienne, et développe une pensée cinématographique militante : le cinéaste est un combattant, la caméra une arme. Son logo dit tout de cette ambition : il réunit la silhouette d’une kalachnikov à celle d’une caméra à bobines. En effet, les premiers cinéastes palestiniens formés en Angleterre (tels que Mustafa Abu Ali, Hani Johariye, Sulafa Jadallah), qui commencent à filmer les combats que les feddayin mènent depuis la Jordanie contre Israël, considèrent leurs tournages comme faisant partie intégrante de l’engagement guerrier palestinien des années 1960-1970. De fait, il s’agit souvent de films de circonstance. Par exemple, le plus célèbre d’entre eux, They do no exist, de Mustafa Abu Ali, est une ironique riposte en images à une provocation politique de Golda Meir (qui avait prétendu dans un discours que le peuple palestinien n’existait pas). De plus, ces films obéissent à un objectif militant majeur : briser l’image du palestinien-réfugié, du palestinien-victime. C’est pourquoi Mustafa Abu Ali montre, sous une forme esthétique à la fois bricolée et formaliste – inspirée du cinéma militant des années 1968-1970, lui-même héritier du Godard de 1968 -, tout un peuple mobilisé : les hommes au front, les femmes fières de leur fils martyr, les petites filles marraines de guerre. De ces films, une fois montés, il est ensuite fait un usage essentiellement diplomatique. Les dignitaires de l’OLP les promènent dans leur valise à travers le monde, afin d’attester par l’image de la violente répression dont est victime le peuple palestinien, de sa bravoure, ou encore de prouver que tel ou tel bombardement a bien eu lieu.
Marie Pierre, élève-chercheuse à l’Ecole normale supérieure de Paris
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