L‘injustice et l’arbitraire qui frappent le peuple palestinien, et que personne de sensé ne peut contester, ne seront pas levés par les bombes ou les discours de haine, mais par la négociation. La paix se négocie. Et il faut être au moins deux pour négocier. Ce qui implique la reconnaissance de l’autre et de ses droits. Et c’est là le plus difficile.
Au Maroc, comme dans le reste du monde arabe, la cause palestinienne est peut-être la seule qui met d’accord les islamistes et certaines franges de la gauche. Pourquoi? Parce que les islamistes y voient un problème de suprématie religieuse, alors que les milieux de gauche sont restés nostalgiques de l’époque où des marxistes et des sympathisants communistes (en gros les fondateurs de l’OLP et de la résistance palestinienne) ont pris les armes pour libérer la Palestine.
Mais l’idéologie, qu’elle soit religieuse ou politique, n’a jamais fait avancer la cause palestinienne, ni aucune cause, bien au contraire. Elle a fermé des portes et radicalisé des esprits.
La force d’une cause, ce qui la rend puissante et universelle, ce qui lui donne une chance de gagner parce qu’elle est juste, est bien à côté : c’est l’humain. Tout simplement. Le drame palestinien est celui d’un peuple sans terre, plus exactement qui a été spolié de sa terre. Loin de toute idéologie. C’est ce prisme-là, et aucun autre, qui rend tout citoyen du monde sensible à cette cause. Et c’est le terrain sur lequel les combattants de la paix doivent se battre, loin de toute surenchère idéologique.
Ceux qui crient ne sont pas les plus audibles. Ils ne seront pas écoutés, le moment venu. Ils sont nuisibles. Ils ne veulent pas la paix. Ils ne veulent pas récupérer une terre, mais faire triompher une idéologie. Ceux-là, personne ne les suivra. Ni les écoutera.
Tous ceux qui veulent une Palestine libre «du fleuve à la mer» ne le savent pas forcément : ce slogan implique une négation de l’Etat d’Israël. Ce n’est pas ainsi qu’ils mettront fin à la guerre, ni qu’ils aideront le peuple palestinien à récupérer sa terre.
«Effacer Israël» n’est ni juste, ni raisonnable. Du vivant de Yasser Arafat, déjà, les Palestiniens avaient abandonné ces cris nuisibles, écartant au passage les va-t-en-guerre et ceux qui appelaient à «jeter les Israéliens à la mer». Ils ont reconnu Israël et donné une chance à la paix. C’est cela qui avait permis, en son temps, de faire de la Palestine un état, en attendant que cet état puisse récupérer ses terres. Ce qui passera demain par d’autres gestes…
Peut-on être plus Palestiniens que l’OLP de Yasser Arafat et aujourd’hui le Fatah de Mahmoud Abbas ? Il y a aussi ceux qui jettent la pierre aux états normalisateurs et appellent à la «dénormalisation». Au Maroc, certains (les mêmes en fait, un mélange de «beaucoup d’islamistes et de quelques gauchistes») demandent, plus ou moins bruyamment, l’annulation des accords d’Abraham. Ils ne le savent pas nécessairement : si le Maroc a un rôle à jouer dans la recherche de la paix, c’est cet établissement d’un canal de communication direct avec l’état hébreu qui le rend audible, crédible. Annuler les accords, c’est fermer le canal. Et c’est éloigner plus encore toute perspective de négociation et de paix. Et c’est, in fine, faire mal à la cause palestinienne.
Une cause, d’ailleurs, qui doit revenir à sa dimension humaine et ne jamais la quitter : celle d’un peuple qui veut récupérer sa terre. Loin de toute idéologie et de toute surenchère populiste, démagogique, fantaisiste, utopique.
Par Karim Boukhari, Directeur de la rédaction