Généralement, après les oraisons funèbres sur l’année qui s’achève, on est censé ouvrir le cahier de route de l’année qui s’annonce. Ne serait-ce que pour être en phase avec la chronologie des faits. Au Maroc, cet exercice de passage d’une année à l’autre ne coule pas de source. Encore moins pour cette fois-ci. Tout indique que 2017 recèle des éléments suffisamment pertinents et déterminants pour poursuivre sa course en 2018. Difficile de soutenir le contraire, même si l’on se retrouve dans le vieux débat récurrent sur la rupture et la continuité dans l’historicité marocaine. Pour s’y conformer, chaque chapelle politique recharge son référentiel de service et y va de son bilan. Comme d’habitude, c’est les yeux tournés vers le ciel que nous avions abordé 2017. Le besoin de pluie était urgent, après la disette pluviométrique de 2016. Sauvés ! L’indulgence céleste, dans sa magnanimité infinie, nous a gratifiés d’un bon arrosage, synonyme de bonne récolte pour les hommes et de doux herbages pour le cheptel. Bis repetita, pour ce Nouvel an, mêmes incantations séculaires, mêmes attentes pressantes. 2018 sera jugé sur sa pluviométrie, comme pour conforter la boutade que l’on prête au Résident général Lyautey, « au Maroc, disait-il, gouverner ce n’est pas prévoir, c’est pleuvoir». Reprenons pied sur terre. Durant l’année qui vient d’expirer, nos institutions délibératives ont été mises à rude épreuve. La désignation d’un chef de file pour dégager un Exécutif soutenu par une majorité parlementaire a accusé un retard de sept mois. Au point de se demander si nous avions vraiment besoin d’un gouvernement pour un Maroc qui ne se portait pas plus mal sans. Interrogation gravissime pour une démocratie en construction. Quelques mois après sa nomination laborieuse, Saâd-Eddine El Othmani a dû se séparer de ses ministres pour divers manquements à leurs responsabilités en termes de supervision de projets vitaux et ambitieux pour les régions du nord du Maroc. En somme, là où la situation sociale était tellement tendue qu’elle a pris la rue comme espace d’expression et de revendications, avec des points de fixation comme Al Hoceïma, puis Jerada, le temps d’une gestation. Pour la deuxième fois, durant la première année de la législature en cours, l’institution gouvernementale semblait en cale sèche. Après avoir été une solution de rechange, en lieu et place d’un Abdelilah Benkirane à bout de souffle, El Othmani avait grise mine à la tête d’un cabinet amoindri. Contrairement aux idées reçues, la solution marocaine d’un islamisme politique soluble dans le jeu démocratique n’est pas facile à mettre en œuvre. Tout dépend de ce que l’on veut en faire ou lui faire faire. A fortiori, dans un pays où le politique et le religieux se côtoient et s’imbriquent, au sommet de l’État, depuis la nuit des temps. Toujours est-il qu’il y a là matière à profusion sur un sujet qui tient le monde en alerte ; avec la sphère arabo-musulmane en point de mire. L’expérience marocaine, aux allures d’exception, est plus que jamais sous observation.
Quel que soit l’angle récapitulatif de l’année écoulée, il est un fait prédominant parce que plus marquant que les autres : l’activité du roi Mohammed VI en Afrique, qui s’est conclue par le retour du Maroc aux instances continentales, à commencer par la récupération du siège qui lui revient de droit humain et historique, au sein de l’Union Africaine (UA). Aussi justifiées soient-elles, les 34 années de chaise vide se sont progressivement avérées improductives, puis carrément contreproductives. Le discours royal prononcé à cette occasion devant le sommet de l’UA d’Addis-Abeba restera dans les annales africaines comme un hymne à la renaissance du continent. C’était là l’aboutissement d’une approche évidemment par étapes, mais surtout à partir d’un nouveau regard de l’Afrique sur elle-même. Une Afrique qui croit en ses capacités à produire des solutions à ses problèmes et relever les défis humains auxquels elle est confrontée. Le flux migratoire arrive en premier, avec ses images insupportables d’un exode suicidaire vers le nord. Fort de ses projets de coopération Sud-Sud, à grande portée économique, le Maroc repart à la rencontre d’une Afrique débarrassée de ses turpitudes dévastatrices. 2017 aura été à ce titre l’année africaine par excellence.
L’autre fait marquant de l’année qui se retire a été, ni plus ni moins, que le foot. Plus que la qualification elle-même pour les phases finales de la Coupe du Monde 2018 en Russie, c’est la foule qui a fixé l’attention en prenant possession de la rue pour exprimer sa joie. Une manifestation sans casse, comme seul le foot, ultime mobilisateur des foules, sait le faire.
YOUSSEF CHMIROU
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION