Un jour, un marchand d’art m’aborde, me montre les œuvres d’un artiste et me dit, dans un ton qui feint l’humour : «Tu crois qu’il va vivre longtemps ?». Il attend impatiemment la disparition de l’artiste pour espérer voir le prix de son butin grimper sur le marché. Est-ce le sort des artistes ? Doivent-ils mourir pour que leurs œuvres soient demandées sur le marché ?
Plusieurs exemples me traversent l’esprit: Le Néerlandais Vincent Van Gogh, l’Italien Modigliani dont j’avais parlé ici même (Zamane N°104), les Marocains Abbas Saladi et Boujemâa Lakhdar. Ces artistes ont vécu dans le besoin le plus total, la nécessité la plus dure. Après leur décès, des carnassiers ont sorti leurs œuvres pour les vendre au prix le plus fort. L’histoire a retenu des exemples de marchands qui ont précipité la mort de certains artistes, ou d’autres qui les ont maintenus dans une dépendance quelconque afin de garder la main sur eux.
Les artistes passent leur vie à travailler pour pouvoir juste vivre et, subitement, après leur mort, ils deviennent des génies. On leur organise des expositions posthumes, on édite de beaux livres sur leur parcours et on entraine de grands noms de la plume pour vanter leurs talents. L’exemple de Abbas Saladi que Pauline Demazières, alors directrice de la galerie l’Atelier à Rabat, avec son esprit de vraie dénicheuse de talent, l’avait découvert à Marrakech, s’est trouvé à un certain moment exclu du marché. Pour des raisons personnelles, Pauline Demazières avait fermé la galerie. Sylvie Belhassan, qui travaillait avec elle, était allé travailler ailleurs et plusieurs artistes se sont trouvés à la merci de marchands, qui avaient l’art de dévaluer l’œuvre d’art afin de pouvoir l’acquérir eux-mêmes et de la garder pour la sortir après la disparition des artistes.
Le premier qui avait payé le prix de cette démarche diabolique est bien le peintre marocain Jilali Gharaboui. Mort sur un banc public à Paris, ses œuvres, nous dit-on aujourd’hui, valent des millions de dirhams. Après sa mort, on mit au-devant sa maladie mentale pour monter les enchères. Saladi vivra la même situation. Il vendait ses œuvres pour pouvoir vivre dans la précarité la plus absolue ; on l’annonce aujourd’hui vendu, nous dit-on, à 5 millions de dirhams. Tout à l’opposé, Boujemâa Lakhdar était bien rangé, travaillait dans le silence, et personne ne faisait attention à lui jusqu’au jour où Jean-Hubert Martin, le célèbre curator français, montre son travail dans sa désormais célèbre exposition les «Magiciens de la terre». Il rentre dans le viseur des marchands et, à sa mort, on viendra profiter du besoin d’argent de sa veuve, on collecte les œuvres et on essaye de les valoriser en faisant participer des intellectuels à ce massacre.
Pourrait-il y avoir une loi qui ferait profiter les ayants-droit de bénéfices de l’œuvre de leur parent défunt ? Je ne parle pas des droits d’auteur, mais des droits sur les ventes qui, suivant les enchères, peuvent atteindre des chiffres faramineux.
Il faut inventer cette loi.
Par Moulim El Aroussi
C’est loi existe en Belgique elle se nomme « droit de suite » c’est dire que si une oeuvre est vendue il y a un pourcentage qui revient aux héritiers. Je ne sais plus à combien de pour-cent cela s’élève. J’ai souvent participer à des ventes aux enchères et lorsqu’il y a droit de suite, le huissier l’annonce avant d’ouvrir les enchères.