Dans son domaine, Layla Chaouni est une pionnière. En 1987, elle se lance dans l’aventure de l’édition quasiment seule, dans un pays où le livre est une matière sensible. Plus de 35 ans plus tard, la voilà encore à la tête des Editions Le Fennec, à tenir un stand «boudé par les officiels», dans les allées du Salon International de l’Edition et du Livre (SIEL) qui vient de se tenir cette année encore à Rabat. Dans le brouhaha incessant de cette foire, Layla Chaouni tente de se faire entendre et de nous expliquer les enjeux actuels du monde de l’édition au Maroc. Tout en déplorant la santé fragile du livre, elle se remémore pour nous les étapes d’une carrière qui l’a vue côtoyer ou lancer quelques grandes figures intellectuelles et sociales du paysage marocain. Entre déboires politiques durant les années de plomb et engagement en faveur du droit à la différence, la fondatrice des éditions Le Fennec fait défiler les pages du livre de sa vie….
Nous nous rencontrons dans le cadre de la 28ème édition du SIEL, qu’elles sont vos impressions cette année ?
Difficile de vous parler de chiffre d’affaires ou même d’affluence générale. Nous sommes au tout début du Salon. Ce que je peux dire sur mes impressions, c’est qu’il est toujours un peu dommage d’assister à des conférences ou lectures potentiellement intéressantes au milieu d’une telle nuisance sonore. De nombreux intervenants refusent de venir, justement, de peur de ne pas être suffisamment entendus. Mais c’est le lot de tous ces édifices préfabriqués qui ne peuvent pas garantir des conditions optimales. Cela étant, il n’en demeure pas moins que ce genre d’évènement est absolument vital pour le monde du livre au Maroc. En tant qu’éditrice, je ne peux que m’en féliciter bien qu’il faille tout de même souligner que la ville de Casablanca a également besoin de son salon du livre. Cette année, des voix commencent à le revendiquer d’autant que nous autres, qui tenons des stands et qui venons de Casablanca, faisons face à des charges de transport et d’hébergement que nous n’avions pas auparavant.
À quelles autres difficultés financières faites-vous encore face ?
D’abord le loyer du stand, qui n’existait pas l’année dernière. Pour cette édition, nous avons dû payer 804 dirhams le mètre carré, avec les 27 m2 que nous occupons c’est le chiffre d’affaires de deux jours de salon ! En ce qui concerne les éditions Le Fennec, nous faisons l’essentiel de nos ventes sur les livres à petits prix, 20 ou 30 dirhams. Nous plongeons donc rapidement dans des comptes d’apothicaires. Pour vous donner un autre signe de l’évolution de notre secteur, sachez que j’ai commencé à travailler toute seule en 1987 et, nous sommes seulement trois aujourd’hui dont deux salariés, car les éditions ne peuvent pas payer de salaire supplémentaire.
Propos recueillis par Sami Lakmahri
Lire la suite de l’interview dans Zamane N°151