En reconnaissant la marocanité du Sahara, Israël a fait ce que des voisins, africains ou arabes, et des partenaires et «amis» européens ou orientaux, n’ont jamais fait. L’attitude de l’Etat hébreu, ferme et résolue, tranche et dénote par rapport à la valse des supposés amis du royaume qui, à forcer de ménager la chèvre et le chou, hésitent, atermoient, avancent d’un pied et reculent de l’autre… Et au final font du surplace, frustrant toutes les parties et se rendant parfaitement inutiles.
Il y a bien sûr des leçons à tirer de tout cela. Le 13 août 2023, les accords d’Abraham souffleront leur troisième bougie. Trois ans, déjà. C’est à la fois peu, rapporté à la marche de la grande histoire. Et c’est beaucoup, rapporté à l’énorme flot d’actualité quasi-ininterrompu… Et à la masse de points gagnés !
Pour le Maroc, la récolte/moisson correspond largement à ce qui a été semé. La promesse a été tenue. Ceux qui criaient au marché de dupes, au deal inéquitable, voire au risque insensé, en sont pour leurs frais. Comme des voyageurs qui se sont trompés de train, ou qui ont pris les mauvais tickets, ils sont restés à quai…
Cela dit, on ne va pas faire du Sahara l’arbre qui cache la forêt. Même si la question est vitale et polarisante, elle ne doit ni exclure, ni cacher le reste. Derrière l’affaire du Sahara, d’autres «cases» ont été remplies. On en citera quelques unes.
Il y a le tourisme d’affaires, pour commencer, et bientôt ce qu’on peut appeler le tourisme «spirituel» (les fameux pèlerinages – ziaras). Il y a les opérations commerciales, les échanges d’expertises, de réseaux, touchant parfois à des questions ultra stratégiques.
Il y a aussi des questions de géopolitique où les retombées ne sont pas uniquement immatérielles, parce qu’elles ressemblent à des investissements à moyen et long terme. Le ticket Israël – Amérique redéfinit, de facto, la position du royaume vis-à-vis de l’Europe.
Toutes ces questions mêlent le politique à l’économique, mais aussi le militaire, le sécuritaire, le technologique, etc.
On a gardé le meilleur pour la fin. Il y a aussi, avant tout, une réalité très intéressante et à laquelle nous n’accordons pas forcément toute l’importance qu’elle mérite : les «Marocains», c’est-à-dire les Israéliens d’origine marocaine, constituent une communauté en pleine expansion. C’est une autre forme de diaspora.
Parfois marginalisés par le passé, les Marocains d’Israël représentent une vraie force de frappe à l’intérieur de l’Etat hébreu. Leur voix compte. Politiquement, militairement et bien sûr culturellement ils sont influents, de plus en plus incontournables. C’est une réalité relativement nouvelle, imposante. En Israël, tout le monde compose avec ces «Marocains». Et plus personne n’oserait leur tourner le dos.
Vu du Maroc, ils constituent un cordon ombilical légitimant à lui seul, ou presque, les fameux accords d’Abraham. Pourquoi couper ce cordon ?
Au-delà du frein du conflit israélo-palestinien, dont les ressorts restent complexes, les accords d’Abraham ne sont pas un traité angélique offrant un blanc seing à ses signataires. C’est un work in progress, où les engagements se traduisent par des actions et sont inscrits sur une page à remplir. Aucune ligne n’est écrite s’il n’y a pas communauté des intérêts. C’est le principe de la real politik, c’est-à-dire de la rationalité dans les rapports entre états «adultes et consentants».
Trois ans plus tard, la caravane avance et n’est pas près de s’arrêter…
Par Karim Boukhari
Directeur de la rédaction