Oui, notre politique est malade. D’un mal général qui n’épargne pas le monde, celui de la technisation de la politique, sur fond de consensus, avec le magister du technocrate qui veille au grain. Mais elle est aussi atteinte d’un mal propre à nous, qui confine au désenchantement. C’est plus qu’un malaise, et cela augure d’une dérive. La moralisation tant annoncée par les partis avec un ancrage populaire, à chaque alternative, est un vœu pieux. Halo sur l’argent sale, sur le parachutage. L’effet d’annonce ne dure que ce que vit une rose, l’espace d’un matin ou d’une campagne.
La politique n’est pas l’affaire que des partis politiques, mais on conçoit mal la vie politique dans une conception moderne et pluraliste, sans partis politiques. Ceux-là doivent avoir un référentiel idéel (je n’aime pas beaucoup le terme idéologique), autrement dit une identité. Un ancrage, cela va de soi. Ce ne sont pas des clubs. Et, bien sûr, des leaders qui incarnent le référentiel qu’ils portent, et devraient avoir l’onction de leurs bases par un processus réellement démocratique.
Or, le référentiel chez nous fait défaut. On peut être socialiste et prôner le contraire de ce que commanderait un référentiel socialiste. La privatisation par exemple. On peut se targuer d’être moderne et s’acoquiner, pour un strapontin, avec les traditionnalistes. On peut se dire, arabiste, sans même incarner cet idéal, ou berbériste, sans vraiment incarner le fondement de l’amazighité, à part, le circonstanciel et le politiquement correct…et par occasion un accoutrement de circonstance.. L’être et le paraître ne riment pas chez nous. Car seul, compte l’avoir.
On voudrait que les leaders aient un charisme, mais à part le chahut de circonstance, dicté par la politique politicienne, on est mal servi. Soit, peut-être, des personnes bien élevés qui ont hérité de noms, mais sans avoir de qualificatif, soit des forts en version et diversion. Des forts en gueule en somme.
Les uns et les autres attendent les signes (al-icharat)… Qui oserait avoir le courage de ses idées, au risque de s’attirer la foudre des maîtres des céans ? Ceux-là peuvent ne pas exister, ou exister et avoir d’autres chats à fouetter que les conjectures, de leaders autoproclamés, mais comme l’hydre, il suffit d’y croire.
Même l’opposition finit pas intégrer le club des béni-oui-oui. Le meilleur serviteur n’est pas celui qui dit toujours oui. Un Bouadid avait bravé Hassan II sur une question existentielle. L’histoire avait fini par donner raison à Bouabid. Il n’a pas été la caisse de résonnance de ce qu’on appelait à l’époque le Km 5/5 (lieu de résidence de Basri, où les orientations se dictaient).
Bof, ce fut un malaise, une forme de migraine où, cahin caha, on s’accommodait. On est passé à un mal, et sans verser dans le catastrophisme, ne risquons nous pas d’avoir, à terme, un cancer, où toute médication serait un palliatif… ?
L’effet Escobar est un réel tsunami dans le paysage politique marocain. On a beau se cacher la figure, on ne peut ignorer la gangrène. On ne voudrait pas jeter de l’huile au feu depuis que l’affaire est devant la justice. On est loin des règlements de compte. On est juste pour l’intérêt du pays, avec ce trait inhérent, à tout travail intellectuel, le droit à l’erreur.
Il faut arrêter la chute aux enfers, par une vraie politique et de vraies politiques. Un corps politique est comme le corps humain, il a un squelette qui le tient, des muscles qui le portent, un système nerveux qui lui permet d’interagir. Le système nerveux ne sert que s’il y a des muscles. Mais la gangrène risque de toucher le squelette et sa colonne vertébrale. De grâce, le populisme guette, dans sa propension nihiliste et simpliste.
Faisons quelque chose, avant qu’il ne soit trop tard. La médication risque d’être alors inopérante.
Par Hassan Aourid, conseiller scientifique de Zamane