Le numéro que vous avez entre les mains est le centième en date. Comme nous sommes un mensuel, vous ne risquez pas de vous perdre dans les calculs arithmétiques pour déterminer notre âge déposé auprès d’un officier d’état civil spécialisé, lui-même dépassé par les déclarations de naissances prématurées et de morts subites. Nous en sommes donc à notre huitième année révolue ; plus trois numéros d’entame d’une nouvelle année prometteuse.
Comment peut-on qualifier cette tranche de temps dans la vie d’une publication somme toute éphéméride ! Un bail, un défi, une performance d’étape, un pari tenu, un gage d’assurance pour une continuité sans faille? En fait, c’est tout cela à la fois, peut-être même un peu plus. Dans cette longue marche, deux périodes se distinguent par elles-mêmes et par la spécificité d’une presse spécialisée. Il fallait d’abord convaincre de l’utilité du thème choisi, à savoir l’histoire du Maroc dans l’espace médiatique national. La question peut paraître incongrue, mais elle est réelle. Pour preuve, on en est arrivé à sortir la grande argumentation pour se faire entendre, du genre «un peuple qui ne s’intéresse pas à son histoire est un peuple sans mémoire». Il fallait déployer une pédagogie d’adulte pour faire la démonstration d’un présent vécu qui trouvait ses racines dans un passé méthodiquement épluché.
Il fallait ensuite faire montre d’une disponibilité au débat sur chaque dossier instruit et produit par Zamane. Des exemples parfaitement illustratifs accompagnent chaque numéro. Ce sont autant d’études de cas puisés dans un passé plus ou moins proche. D’un épisode à l’autre, l’objectif est de provoquer l’acte d’achat, aussi vrai qu’une publication est faite pour être lue. Dans un pays où la lecture est malheureusement faible, cette lapalissade renseigne sur un combat de tous les jours. Il n’en demeure pas moins que nombre d’annonceurs ont la fibre culturelle plutôt sensible. C’est dire qu’il y avait tant à faire pour permettre au magazine de continuer de paraître. Notre revue n’est pas la première dans cette situation. Toutes les publications nouvellement arrivées ont tout au plus un an pour se faire une place sur l’espace des magazines existants. Ce n’est pas un délai décrété par on ne sait quelle autorité occulte, mais une décantation par la réalité impitoyable du marché. Même en étant d’un optimisme incurable, les premières années restent déterminantes.
Au niveau officiel, l’idée à expliquer et à faire admettre est toute simple. Zamane n’est pas fait pour créditer le concept éculé de «tout le monde il est beau ; tout le monde il est gentil». Il s’agit là d’un positionnement central à faire valoir non pas par des envolées lyriques, mais par un contenu, autant que faire se peut, pertinent. Zamane n’est la voix d’aucun maître à penser ou d’un temple idéologique attitré. Dès sa parution, il a fait l’objet d’un questionnement assidu. Exemples. Le support répond-t-il à un besoin réel, pour pallier une éventuelle case manquante de notre mémoire collective ? Est-il l’expression d’une simple envie universitaire intra-muros ? Tout un travail de persuasion sans répit, où les jugements définitifs se percutent, parfois sans se donner la peine de lire auparavant. À quelque chose déficience est bonne, l’important c’est que notre publication ne laisse pas indifférent. Il fait réagir.
Dans la foulée de ces interrogations de base, néanmoins légitimes, une autre problématique exigeait quelques éclaircissements. Quelle lecture fait-on à Zamane des faits historiques retenus et proposés à la réflexion des lecteurs ? Ce qui caractérise l’équipe rédactionnelle du magazine, c’est qu’elle est constituée d’historiens confirmés qui n’abordent leur sujet qu’à partir de faits archivés, de témoignages directement vécus ou d’intervenants émérites, reconnus comme tels. Une rigueur qui n’admet aucun penchant éclectique, au service d’une orientation préalablement établie. C’est grâce à cette ligne de conduite que Zamane a pu acquérir la confiance d’un lectorat qui contribue à son existence et à son développement depuis huit années pleines. L’ambition qui n’a cessé d’habiter la rédaction consiste à rapprocher l’histoire du Maroc du plus large public possible ; sans que notre publication ne soit qu’une vulgate du genre.
Le pari se poursuit par ce centième numéro.
YOUSSEF CHMIROU
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION